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Biologie, comportement et savoir
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Biologie, comportement et savoir
  • L'objectif est de mettre en relief l'influence majeure du facteur biologique sur la pensée collective. Cette nouvelle approche permet en outre d'expliquer certaines situations paradoxales de notre histoire: déni etc.
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31 août 2020

1/ L'influence du facteur biologique sur le plan comportemental

 

On a souligné l’importance du facteur démographique. Il est la clé de voûte d’un fonds biologique qui date des tout premiers âges. Il faut remonter à l’océan primitif dont parlait Laborit, au moment où furent tentés les premiers agencements. La sélection de ce corpus a dû être très laborieuse. Il a certainement fallu un nombre considérable d’essais infructueux avant d’aboutir, entre hasard et nécessité, à la mise en place d’une combinaison gagnante. Elle repose sur l’interaction de deux axes de forces complémentaires, un dualisme à portée universelle. Depuis longtemps, l’homme en a eu la conviction. On a émis à ce sujet de multiples hypothèses : la vie résultait de l’équilibre entre le chaud et le froid (Anaximandre), du combat des extrêmes (Héraclite), de l’alternance entre l’Amour et la Haine (Empédocle) etc. Les religions monothéistes ont ensuite insisté sur les notions de forces divines et diaboliques, d’âme et de corps, de bien et de mal. Selon elles, Dieu a organisé le monde à la perfection afin qu’il ne sombre pas dans le chaos auquel aspire la matière. Les théologiens ont particulièrement débattu sur ce thème au sujet de la nature humaine. Ils ont tenté de prendre la mesure de ce dualisme en combinant de multiples variantes autour du péché originel, de la contrition, de la pénitence, du rôle de l’âme, de l’Eglise, des sacrements, des Ecritures, du libre-arbitre, de l’importance de l’intellect, de celle de la grâce etc. Plus tard, le développement des sciences de la Nature a permis de mieux connaître le monde animal. Longtemps considérés comme des brutes sanguinaires, on a constaté que, comme nous, les animaux avaient aussi leurs obligations et mettaient en œuvre des comportements altruistes.  

 Le courant évolutionniste, quant à lui, a intégré toutes les formes de vie dans un ensemble unique. La version la plus actuelle présente le dualisme fondamental en termes d’altruisme et d’égoïsme. Certains évolutionnistes comme Dawkins, ne reconnaissent pas la portée réellement altruiste des « comportements qui s’apparentent à la morale » et qui semblent contredire le principe de la sélection naturelle. Ils n’en contestent pas la fréquence mais, selon eux, ils ne sont que de l’égoïsme au second degré. Ils soutiennent, par exemple, que, lorsqu’elles se mettent au service de leurs ruches, les ouvrières ne font que promouvoir leurs gènes par l’intermédiaire de leur reine qui en est porteuse. D’autres, dans le sillage de Kropotkine, insistent au contraire sur l’existence effective et l’importance de cette polarité. Aussi déterminante que la première, elle constitue pour eux « l’autre loi de la jungle ».

L’observation du vivant nous persuade, qu’il s’agisse d’égoïsme déguisé ou d’altruisme, que chaque unité (cellule, organe, individu, groupe etc.) est très fortement incitée, d’une part, à s’affirmer, à laisser un apport personnel, à rechercher l’expansion maximale. De façon tout aussi impérative, dans d’autres contextes, elle doit se contraindre, ne pas aller au-delà de son espace et de sa fonction afin que d’autres, dont le rôle est tout aussi essentiel que le sien, puissent également exister. C’est ainsi que la vie a réussi à se multiplier, à se diversifier et à se complexifier. Un système basé sur une multitude d’interactions faites d’agressivité et d’égoïsme contenus mais aussi de tolérance, d’assistance ou encore de symbiose a permis la constitution d’ensembles protecteurs (organismes, sociétés, écosystèmes etc.) mais également dépendants car leur viabilité résulte de l’apport de leurs composantes. Le moindre rouage doit impérativement tenir son rôle mais il faut que les effectifs de ces innombrables populations restent régulés pour que chacune d’elles joue sa partition, sans aller au- delà, afin d’aboutir à une structure cohérente qui assure la viabilité du tout et des parties. C’est donc la mise en place d’un contrôle démographique rigoureux et généralisé à tous les étages du vivant qui assure le bon fonctionnement du dualisme fondamental.

Le fonctionnement de la combinaison gagnante apparaît nettement dans la plupart des sociétés animales qui ne sont pas trop impactées par la présence humaine et dont les effectifs ne vont pas au-delà des ressources naturellement disponibles

     La tendance égoïste incite l’animal à se mettre en avant. Elle donne à chacun un surcroît d’assurance et parfois, l’audace de contester l’ordre établi. Sous la pression de cette polarité, on joue à fond sa carte personnelle, on recherche son salut par le biais de l’individualisme absolu, du règne sans partage. Selon les espèces, on veut conquérir un territoire, le défendre, transmettre ses gènes ou encore combattre pour la dominance au sein de son groupe.  De cette vague de fond égocentrique, va émerger une hiérarchie. Elle va concerner tous les membres. Les mâles dominants disposent de nombreux privilèges : ils ne connaissent pas le stress momentané, provoqué par la proximité d’un supérieur. Ils occupent le centre du groupe en compagnie des femelles et des jeunes et repoussent vers la périphérie les subordonnés qui se trouvent plus exposés aux prédateurs. Elle explique également l’agressivité dont font preuve la plupart des espèces en présence de congénères étrangers. Lorsque ceux-ci veulent intégrer le groupe ou pénétrer sur un territoire qui ne leur appartient pas, ils sont systématiquement combattus etc.

    Sur le plan interspécifique, la tendance égoïste se manifeste par le biais de la prédation. Par ailleurs, on note les mêmes relations de dominance entre espèces concurrentes. Les lions s’imposent aux hyènes lesquelles s’imposent aux vautours etc.

    Le rôle de la tendance altruiste est tout aussi essentiel à l’organisation de la vie animale. Sa caractéristique fondamentale est de limiter le champ d’action de chacun, y compris des dominants, afin de préserver l’intégrité de la communauté en dehors de laquelle, les plus puissants eux-mêmes, ne sauraient survivre. Elle incite donc les animaux alphas à la modération et les subalternes à l’inhibition et à l’observation de l’ordre établi. Les animaux décodent ce qui est inscrit dans leur mémoire génétique et savent que, dans certaines situations, il faut impérativement s’effacer et respecter des obligations. On a souvent tendance à sous-estimer l’importance de cette polarité qui constitue pourtant le second versant de la loi naturelle. C’est à tort que l’on imagine les animaux en train de s’accoupler ou de se massacrer en permanence. La nature a également ses devoirs et ses interdits et il est opportun d’en donner quelques exemples. Pour la plupart des espèces, la contrainte certainement la plus importante est l’assistance due aux jeunes. La tendance altruiste impose l’obligation de les nourrir, de les éduquer et de ne pas les violenter. On sait qu’un individu isolé ne se développe pas normalement. Ce sont ses congénères qui activent, en grande partie, son répertoire génétique. Il faut ajouter que le jeune, tant qu’il reste fragile, ne présente pas les caractéristiques physiques d’un adulte. Son apparence lui permet de bénéficier d’un traitement de faveur. Il se déplace plus librement, sans avoir à trop tenir compte des rapports hiérarchiques. Chaque adulte ressent, par ailleurs, la nécessité de protéger le groupe et donne l’alarme à l’approche d’un prédateur. Les mâles défendent le territoire collectif, au péril de leur vie, s’il est menacé par des congénères étrangers. On ne tue jamais un membre de son clan et, lorsque les animaux ne vivent pas en couples, les coryphées doivent supporter la présence des subalternes bien que ceux-ci constituent une menace pour leur statut. Il ne peut y avoir de viol, au sens strict du terme. Les mâles, incités par des phérormones émises par les femelles, cherchent à se reproduire au moment où celles-ci sont fécondables. En dehors de ces périodes, souvent courtes, les deux sexes cohabitent avec indifférence. On n’affame pas volontairement les siens. Si les ressources sont suffisantes, chaque membre peut en disposer à volonté, dans l’observation des règles de préséance en vigueur dans le groupe etc.

   Sur le plan interspécifique, les animaux ne transgressent pas le principe de complémentarité des espèces au sein des écosystèmes. Les prédateurs ménagent leurs proies autant que possible et ne vont pas au-delà du traumatisme inévitable de la chasse. Bien évidemment, ils n’exterminent pas les troupeaux. Une fois la capture réussie, ils ne les harcèlent pas et leur laissent reprendre le cours de leur existence. Les animaux, situés au sommet de la chaîne alimentaire, n’entreprennent pas d’éliminer les espèces concurrentes moins bien armées etc. Dans un cadre naturel et lorsque les populations sont régulées, ces impératifs fondamentaux sont très scrupuleusement respectés. Il arrive que l’on dépasse le cadre de la simple tolérance. Certaines espèces s’associent pour faciliter leur survie. Les insectes contribuent à assurer la pollinisation des fleurs dont ils se nourrissent. Dans un contexte de symbiose, l’entraide atteint parfois un tel stade que les partenaires ne sauraient survivre séparément.

   Les deux polarités cohabitent dans toutes les structures, y compris celles des espèces dites sociales comme les abeilles ou les fourmis, qui concèdent plus d’importance au pôle altruiste. La tendance égoïste se manifeste de façon directe chez les insectes sexués. On serait même tenté de dire que le conditionnement initial cherche un certain rééquilibre. Si cette polarité est en retrait au quotidien, on note parfois des poussées de violence extrêmes que rien ne vient réfréner. On pense à l’exclusion des mâles, lorsqu’ils ne sont plus indispensables aux ruches ou à la pulsion meurtrière qui anime les reines en présence d’une rivale ou encore à certaines fourmis, particulièrement agressives, qui n’hésitent pas à décimer les colonies subordonnées lorsque l’occasion se présente.

   Le fonds biologique qui fait osciller chaque unité entre égoïsme et altruisme est imprescriptible. En dépit des bouleversements majeurs qui ont modifié les composantes de la biosphère, il a su se maintenir au fil de l’évolution, grâce à un contrôle démographique extrêmement strict. Cette gigantesque tour de contrôle a permis, à la fois, de vivifier et de réguler les multiples effectifs de toute nature, afin d’assurer l’équilibre des différentes biosphères qui se sont succédé. La survie collective repose, on le rappelle, sur un réseau d’interactions établi entre les différentes unités, de sorte que des dérèglements importants et durables mettraient en danger l’avenir de la planète comme on le constate actuellement. Il faut insister sur le rôle prépondérant tenu par le facteur démographique dans la gestion du vivant. Communiqué et décodé en permanence, il impose une ligne de conduite aux différentes populations. Il constitue une sorte de boussole interne afin que chaque unité survive sans proliférer. Avant l’expansion de l’humanité, il verrouillait le système mis en place et en assurait la pérennité. De nombreux éthologues s’accordent sur ce point. Citons F. Ramade : « Dans toute biocénose, la tendance de l’évolution naturelle conduit les espèces à développer un système d’autorégulation car la surpopulation n’est dans l’intérêt de personne ».

   Cette programmation génétique fait que les espèces, situées au sommet de la chaîne alimentaire, ne se multiplient pas de façon géométrique. Elles respectent les équilibres alors que rien dans leur milieu ne les y contraint. De façon générale, pour éviter la surpopulation, les densités sont régulées en amont. La fluctuation des ressources est perçue par chaque unité qui sait réajuster ses effectifs afin qu’ils n’excèdent pas la capacité du milieu. S’il y a pénurie, les éléphants retardent la maturité sexuelle de leurs jeunes et augmentent, de façon conséquente, les périodes de gestation et donc l’intervalle entre les naissances. Certains oiseaux suspendent leur reproduction jusqu’à la saison suivante. Au sein de populations qui dépendent de milieux très pauvres, seul le couple dominant se reproduit et les autres membres de la communauté se mettent à son service. A l’inverse, lorsque le nombre de proies augmente, les portées des prédateurs sont plus fournies et les correspondances sont rétablies avec un effet-retard. Ces données ont été confirmées, entre autres, par Resor, Henry, Hemery, Southern, Dajoz etc. La perception de l’information démographique régule, le plus souvent, le taux de fécondité des animaux mais son influence est tout aussi prépondérante sur le plan comportemental. Lorsque les effectifs ne dépassent pas les ressources disponibles, on constate un certain équilibre entre la tendance égoïste et la tendance altruiste et les relations sociales sont relativement calmes et harmonieuses. Les deux polarités s’expriment en alternance, déclenchées par les situations que présente le milieu. L’approche d’un jeune incite un coryphée à la tolérance, celle d’un rival à l’agressivité etc.

   La surpopulation bouleverse profondément le fonctionnement habituel du dualisme fondamental. Régulièrement provoqués en laboratoire, les déséquilibres sont beaucoup plus rares dans un cadre naturel, vraisemblablement dus à l’impact humain. Ils occasionnent d’importants dérèglements comportementaux et physiologiques. La tendance égoïste s’accroît alors considérablement. Elle se manifeste par une très forte agressivité. Cette violence anormale, régulièrement constatée, y compris lorsque la nourriture est abondante et que l’espace nécessaire à la reproduction ne manque pas, persuade certains chercheurs que, dans ce contexte, la sélection favorise les individus les plus agressifs et élimine les autres. La polarité altruiste est très affaiblie, voire désactivée. Le respect de la structure hiérarchique disparaît sous l’effet de la vague égoïste qui submerge la société en l’absence des barrières habituellement mises en place pour la contenir. Le désordre est généralisé, les conflits se multiplient et les animaux en viennent parfois à tuer leurs congénères, chose inconcevable au sein de populations régulées. L’effacement de la tendance altruiste fait, par ailleurs, qu’on ne s’acquitte plus toujours de ses obligations. Quant à l’assistance due aux jeunes, on constate chez les rats élevés en surnombre dans les laboratoires, que les nids sont mal construits. L’attachement des mères se relâche, les soins sont bâclés. Les jeunes, agressés par les adultes ne bénéficient plus de l’immunité habituelle. Il arrive que la progéniture soit abandonnée.  Chez de nombreux mammifères, les femelles dominantes tuent les portées de leurs congénères. On relève même des cas de cannibalisme : des imagos qui dévorent leurs œufs ou encore parmi les poulets que l’on élève, constamment enfermés et entassés dans des espaces exigus.

  L’omniprésence de la tendance égoïste qui génère une violence accrue, stresse les communautés. A l’agressivité et à l’hyperactivité, succède parfois un abattement extrême, une sorte de renoncement collectif car les individus ne trouvent plus dans leur répertoire génétique des réponses satisfaisantes pour résoudre ces nouvelles équations. Cette apathie peut également s’expliquer par le fait que les organismes sont également touchés. On note très souvent un dérèglement de type glandulaire qui rend les femelles stériles. L’accumulation de ces facteurs affaiblit les communautés, la malnutrition les rend plus vulnérables à l’action des parasites. La promiscuité constitue un terrain favorable aux épidémies. Toutes ces observations ont été confirmées, entre autres, par Ramade, Calhoun, Goldberg, Barbault, Wasser et Barash, Dajoz, Clutton, Sinclair etc. La pression de la prédation n’est réellement efficace que lorsque les variations sont modérées. Dans un contexte de forte surpopulation, les prédateurs sont largement submergés par le déferlement des proies. C’est donc principalement par l’accroissement démesuré de la tendance égoïste et l’affaiblissement de la polarité altruiste qu’une série de maux fait s’effondrer les effectifs jusqu’à ce que les densités soient adaptées aux ressources du milieu.

   De l’imprescriptibilité du fonds biologique, fixé sur les premières formes de vie (le dualisme et le dispositif chargé d’en assurer l’équilibre), il résulte, au bout du compte, que, dans un contexte naturel, en ce qui concerne les espèces qui survivent à l’omniprésence humaine, il n’y a aucun dérèglement démographique durable. Lorsqu’elles disposent encore d’un habitat convenable, régulées en amont ou, plus rarement dans un deuxième temps, on estime que leurs populations sont stables. En dépit du nombre de paramètres à considérer (la prédation, la quantité des ressources et les importantes variations saisonnières qui en résultent parfois, la pression exercée par les espèces concurrentes, les pertes provoquées par les aléas climatiques etc.), chaque unité sait ajuster ses effectifs avec une marge d’erreur acceptable afin de ne pas dépasser la capacité-limite du milieu.

  Sur le plan physiologique, le fonctionnement du fonds biologique assure la naissance et le développement harmonieux de la grande majorité des organismes car, le plus souvent, la programmation génétique est très scrupuleusement respectée. En effet, chaque ensemble de cellules effectue la tâche qui lui revient sans empiéter sur l’apport des autres. « Le développement normal d’un organisme correspond à la mise en œuvre des règles de construction dirigées par des instructions codées dans la séquence génétique de l’œuf. Le début du développement se traduit par des divisions de milliers ou millions de cellules et leurs migrations coordonnées en diverses régions où elles vont former les organes. » J. Chaline. L’efficience de ce fonds est également mise en relief par un ensemble de systèmes de régulations chargé de maintenir les équilibres des interactions : modérer un apport trop important ou résorber un déficit. Les cellules microgliales, par exemple, « sont des cellules qui jouent un rôle important au cours du développement du cerveau en participant à la destruction des neurones et des connexions surnuméraires » (J.A. Girault O. Bertrand). Selon J.P. Changeux, l’oscillateur de base régule les apports alternés de calcium et de potassium au niveau cellulaire afin de faire fluctuer le potentiel électrique. « Des oscillateurs construits suivant le même modèle se retrouvent dans la plupart des cellules nerveuses et même non nerveuses partout où ils ont été recherchés de l’Aphisie aux mammifères ». Il souligne, dans la même optique, le rôle des gènes de communication qui sont des gènes régulateurs de gènes régulateurs. Ils existent depuis l’ancêtre commun aux invertébrés et aux vertébrés. « Aux aurores de l’évolution, quelques gènes de communication ont dû suffire pour régler le développement d’une organisation à partir d’un métamère unique ». Au niveau des organismes, le contrôle démographique de ces innombrables populations est donc également assuré.

   Il est important de souligner une autre conséquence du caractère inaliénable du premier conditionnement. L’animal n’a pas la possibilité d’aller à l’encontre de sa programmation. Il faut toutefois qu’il soit inséré dans un cadre suffisamment naturel pour qu’il puisse activer correctement son répertoire génétique. Alors, de façon systématique, on recherche la dominance, on se reproduit, on s’établit sur des territoires et on les défend, on assiste les jeunes, on est solidaire envers les membres du clan, on n’extermine pas les autres formes de vie etc. Aucune forme d’intelligence ne saurait modifier l’impact de ces injonctions, encore moins en supplanter l’ascendant. En matière d’apprentissage, on cite souvent l’exemple des macaques de Koshima qui, à la différence de leurs congénères, ont appris à laver leurs patates douces dans l’eau de mer, avant de les consommer. Ce nouvel acquis, en partie, inscrit dans leur culture car tous les membres de la communauté ne l’ont pas adopté et donc, laborieusement transmis par l’exemple de génération en génération, ne modifie en rien les fondements de leur société. Les tâches essentielles sont toujours réalisées et les interdits respectés.

Il en va différemment pour les animaux de compagnie dont le comportement a été atrophié ou dévoyé par un milieu trop restreint et artificiel. Leur existence se fonde sur une relation étroite et contre nature avec une autre espèce dont ils ne comprennent, dans un premier temps, ni le langage ni les préoccupations. Coupés, en grande partie, de leurs racines, et contraints d’intégrer un ensemble de codes obscurs, ils vivent, égarés entre deux mondes étrangers. Entre manques et incompréhensions, il leur faut s’orienter dans le dédale d’une nouvelle existence. C’est toutefois, en se référant au cadre naturel, que ces animaux, englués dans l’opacité d’un environnement surchargé de messages et d’objets hétéroclites, donnent du sens à leur vie. Pour trouver un certain équilibre, ils vont établir des correspondances entre le quotidien et des schémas inscrits dans leur mémoire génétique. Leur vécu, la façon dont ils le perçoivent et les réponses apportées seront variables selon les individus. Les comportements qui ont tendance à être stéréotypés dans un cadre naturel, prendront, par conséquent, des formes bien plus imprévisibles. Le chiot, lorsqu’il est adopté, considère généralement la personne qui le nourrit comme sa mère, les autres membres de la famille constituent sa meute, le domicile, le territoire collectif. En tant que jeune et étranger, il se situe tout en bas de la hiérarchie. Devenu adulte, le plus souvent, il gardera son statut de subordonné et s’efforcera de complaire à tous les humains qu’il rencontrera et subira, sans broncher, les désagréments éventuels de leur anthropomorphisme. Si on va à l’autre extrémité de l’éventail des réactions possibles, certains animaux agressifs qui, dans un contexte différent, se seraient rapidement élevés dans la hiérarchie, vont avoir du mal à supporter d’être contraints et soumis. Ils revendiquent la dominance et, enclins à la rébellion et au défi, peuvent devenir très dangereux, y compris pour leurs maîtres.

   Fermons cette parenthèse et rappelons que, dans la nature, les impératifs fondamentaux, ne sont jamais transgressés. Le système est d’autant plus sécurisé qu’il est très gratifiant de respecter les équilibres démographiques et de s’insérer, de façon harmonieuse, dans un écosystème. Le milieu n’est jamais incompréhensible. Il représente un vaste ensemble, jalonné de signaux clairement identifiables. Les moments de stress durent peu. Les subordonnés et les proies disposent d’un espace de liberté et d’autonomie qui occulte grandement contraintes et dangers.  Il y a une forte agitation à la saison des amours mais ensuite, la plupart des espèces connaissent de longues périodes d’abstinence sexuelle qui ne semblent peser à personne. Il faut ajouter que l’animal ne culpabilise pas. Tout va bien même quand tout ne va pas pour le mieux. Il n’y a rien d’anormal à devoir subir parfois. Les messages qu’il reçoit le rassurent et lui certifient qu’il est toujours dans le vrai. Chacun s’engage donc avec optimisme et assurance dans la vie, persuadé que l’arsenal dont il dispose est infaillible. L’animal vit dans l’illusion comme s’il était éternel, avec la certitude que son corps lui appartient pleinement et qu’il maîtrise son destin. Bien évidemment, l’avenir sera moins radieux. Tant de choses échappent à son contrôle. Il va décliner et mourir. Son organisme résulte de l’assemblage d’autres formes de vie qui existent en lui, à son insu, et pour leur propre compte. Ce sont elles qui ont permis l’équilibre de l’ensemble qu’il croit maîtriser. De multiples interactions en garantissent un fonctionnement cohérent et assurent, en dehors du contrôle de l’animal, des activités aussi essentielles que la circulation, la digestion ou la respiration etc.

   Bien que l’interdépendance généralisée qui relie les différentes formes de vie limite leur marge de manœuvre, leur importance et leur longévité, une des particularités de l’imprescriptibilité du fonds biologique est donc d’occulter les données objectives de l’existence.

 Nous avons insisté sur l’influence prépondérante du fonds biologique et, en ce qui concerne les sociétés humaines, cet impact sera largement confirmé. Les premiers hommes étaient des chasseurs-cueilleurs. Ils vivaient en petits groupes qui variaient, selon les ressources, de trente à cinquante personnes, enfants compris. Ils se déplaçaient sur des territoires immenses. La densité, à la fois locale et globale des populations humaines, était extrêmement faible et la présence des semblables n’était pas perçue comme une menace ou une concurrence. Elle représentait au contraire un apport bénéfique qui évitait de rester trop longtemps dans la consanguinité. Si nos postulats sont vérifiés, le climat social était relativement paisible et harmonieux. La tendance altruiste, vivifiée par le contexte démographique, imposait comme allant de soi : solidarité, respect des semblables et des autres formes de vie. Les impératifs de la loi naturelle étaient donc très strictement observés : interdiction de tuer un membre du groupe, de le violenter, de l’affamer volontairement. L’homme n’était qu’un élément parmi d’autres dans un monde considéré comme sacré. Il lui fallait donc se modérer, respecter les autres formes de vie et, en premier lieu, ne prélever que le strict nécessaire pour survivre. Les travaux des paléontologues et des préhistoriens confirment cette hypothèse ou la mainmise du facteur démographique sur le plan comportemental. On peut citer, entre autres, M. Patou-Mathis : « Durant le Paléolithique, parmi plusieurs centaines d’ossements examinés, seulement deux attestent d’actes de violences volontaires. Du fait de la rareté des blessures sur les os humains et de l’absence de scènes de combats dans l’art pariétal ou mobilier, on peut raisonnablement penser que la guerre n’existait pas, d’autant que la faible densité des populations et leur répartition sur un vaste territoire rendaient quasi nulle la probabilité que des affrontements aient eu lieu. »

   La néolithisation va profondément modifier cette vision du monde. Elle se caractérise par une importante progression démographique, rendue possible et optimalisée par la sédentarisation, la généralisation de l’agriculture et de l’élevage ou encore le stockage des denrées.   Le mécanisme génétique qui veille à l’équilibre des populations s’est alarmé, d’une part, parce que les effectifs ont alors dépassé les ressources naturellement disponibles et, d’autre part, car les acquis précédemment cités ne sont transmis que par l’exemple. En tant qu’acquis, ils ne s’inscrivent pas dans le répertoire génétique. Le curseur démographique ne les prend pas en compte et continue de fonctionner selon le mode primitif. Comme annoncé par nos postulats et observé dans les sociétés animales, le renforcement des densités va provoquer une vigoureuse poussée de la tendance égoïste et, par conséquent, un profond dérèglement comportemental. Pour la première fois, l’homme se différencie du reste de l’univers et se considère comme une espèce supérieure. Il désacralise et « objétise » un monde sensible devenu servile et va s’employer à dominer ses semblables qu’il perçoit désormais en tant que concurrents ou ennemis. Pour se rassurer face au danger potentiel représenté par les autres groupes, les hommes vont adopter, de façon définitive, une stratégie qui s’avèrera catastrophique à long terme : le surnombre. Il s’agit bien d’une stratégie car les sociétés archaïques connaissaient et mettaient en œuvre de multiples moyens pour contrôler la croissance de leurs effectifs : avortement, infanticide, tabous sexuels etc. (P. Clastres, A. Testart). Désormais, il n’y aura plus de paix durable. En généralisant le choix du surnuméraire, les hommes vont s’engager dans une ère de violences qui n’épargneront strictement aucune civilisation étatisée. L’intensification de la violence, consécutive, selon nous, au renforcement des densités, est attestée, de façon catégorique, par les travaux des paléontologues. Reprenons les propos de M. Patou-Mathis : « La sédentarisation des populations, qui s’accélère au cours du Néolithique ancien avec la domestication des plantes et des animaux, a entraîné une croissance localisée de la population et provoqué une crise démographique qui a peut-être été régulée par des conflits. Dans plusieurs nécropoles de cette période, des squelettes d’hommes, de femmes et d’enfants présentent des blessures mortelles témoignant de l’existence de conflits internes ou entre villages…La violence apparaît dans l’art néolithique du Levant avec des représentations de scènes de rencontres armées entre groupes d’archers, ainsi que des constructions d’enceintes et de fortifications…Ce n’est qu’à l’Age du Bronze qu’apparaissent les véritables armes de guerres offensives(haches de combat, épées etc.) et défensives(boucliers, casques etc.) et ce sont elles qui distinguent véritablement le chasseur du guerrier. » Nul ne conteste l’évolution de la courbe démographique : une forte hausse des effectifs dès le début du Néolithique dans les zones fertiles qui ne cessera de s’intensifier et de se généraliser jusqu’à l’apparition des grandes épidémies. On le rappelle, depuis que l’on sait dater les ossements, il faut bien admettre par ailleurs que la violence est allée de pair avec la progression démographique.

   L’influence du facteur démographique a été également vérifiée dans les communautés primitives. On considère communément que la généralisation de la violence est due au bouleversement des structures sociales, au passage d’une « économie de prédation à une économie de production » qui se caractérise encore de nos jours par la privatisation des ressources, une répartition très inégale des richesses, l’exploitation et la précarisation des membres du clan, des guerres pour s’approprier de nouveaux territoires et un quotidien où l’on déplore régulièrement crimes et maltraitance. En fait, il n’en n’est rien. C’est la surpopulation qui est à l’origine de la violence. Le nouveau contexte social ne fait que concrétiser le dérèglement des comportements. Les Guayaki – qualifiés de chasseurs-cueilleurs immémoriaux par P. Clastres, dont le mode de vie est une survivance de l’âge de pierre selon L. Cadogan en raison de la taille réduite de leurs groupes qui s’éparpillaient dans la forêt une bonne partie de l’année – constituaient un modèle assez approchant du profil du Paléolithique, même s’ils se regroupaient, à la saison froide, en une seule communauté. L’impact du facteur démographique est si prépondérant qu’il impose sa loi même lorsque des dérèglements génétiques viennent compliquer les rapports sociaux. Chez les Guayaki, caractérisés donc par de faibles effectifs, selon P. Clastres, il naît régulièrement plus de garçons que de filles. Ce déséquilibre permanent devrait en toute logique occasionner une violence quotidienne. Or, il n’en est rien. Certaines femmes acceptent un autre homme en plus de leur mari et celui-ci se résigne à partager de sorte que les fondements pacifiques ne sont pas remis en cause. Bien sûr, ce surcroît d’altruisme qui leur est imposé est accepté avec réticence, comme un mal nécessaire. Il nous semble plausible d’avancer l’hypothèse que si les chasseurs chantent le soir, de façon régulière, c’est pour rééquilibrer le dualisme fondamental et restaurer l’importance amoindrie de la tendance égoïste. Il ne s’agit pas d’une mélodie commune. Chaque homme chante pour soi et les propos sont égocentriques. Le chasseur exalte ses propres vertus : sa force, son courage, son habileté etc. Il n’y a aucune vocifération, pas de gestes provocateurs. Il s’agit, selon P. Clastres, d’un défi que les hommes se lancent mais qui ne veut pas être relevé.   Toujours à l’appui de nos affirmations, sédentarisation ne rime pas toujours avec « sociétés de production » et les fléaux précédemment cités. C’est ce qu’il ressort des travaux de D. Everett à propos des indiens Pirahâs. Ils s’établissent sur un territoire en se contentant de collecter le strict nécessaire, y compris avec l’apport d’une agriculture « très embryonnaire », les effectifs restent stables et les relations sociales pacifiques. Les ressources sont équitablement distribuées et il ne vient à l’idée de personne de s’approprier une partie du bien collectif, d’exploiter et d’affamer les membres du clan. Le fonctionnement harmonieux des sociétés va de pair avec des effectifs peu fournis.

 Il deviendra difficile d’étudier des sociétés primitives qui s’approchent du modèle paléolithique car elles sont souvent en contact avec les civilisations modernes. Déjà depuis longtemps, certaines ont été chassées de leur territoire lorsque d’autres, plus civilisés et plus puissants, en convoitaient les richesses. On les a alors cantonnées dans des réserves où il leur est impossible de vivre selon leurs traditions. Elles ont parfois été intégrées en tant que main d’œuvre. Quand elles sont restées autonomes, elles se sont généralement sédentarisées, au moins de façon temporaire, autour de villages d’une bonne centaine de personnes voire de concentrations bien plus importantes. En raison d’effectifs encore modérés mais bien supérieurs à ceux du Paléolithique, la plupart des communautés représentent une étape intermédiaire entre les premiers groupes humains et la mise en place de sociétés étatisées. Leur mode de vie aura une teneur donc plus égocentrique qui variera en fonction de la densité des groupes.

  On relève encore des survivances de schémas sociaux à forte connotation altruiste. Les ressources sont parfois équitablement réparties. Dans certaines tribus, un chasseur ne peut consommer le gibier qu’il a tué. Ce tabou rend indispensable le maintien d’un lien social solidaire. En temps de paix, on ne délègue aucun pouvoir aux chefs. Ils n’ont qu’un rôle d’arbitre, ils apaisent les tensions et incitent au respect des structures sociales en faisant l’éloge des ancêtres et des traditions.

  Il va de soi qu’en raison d’effectifs plus fournis, on constate également des exemples de dérives égocentriques qui constituent autant de remises en cause des schémas altruistes précédemment cités : appropriation des ressources, privilèges et pouvoirs concédés aux chefs, hiérarchisation de la société, violences sous forme de meurtres, de razzias suivies de vendettas ou encore d’oppressions à l’encontre de membres de la communauté etc. (P. Clastres, B. Valentin, K. Hill, R. Lowie, L. Cadogan etc.)

A. Testart insiste sur le fait – et cela conforte encore davantage le rôle primordial tenu par le facteur démographique – qu’être chasseur-cueilleur ne signifie pas forcément avoir de petits effectifs et se contenter d’une économie de subsistance. Certains d’entre eux vivent comme des producteurs. Il en cite plusieurs exemples (Amérindiens de la côte Pacifique, ceux de Californie, des peuples du sud-est de la Sibérie). Ces communautés n’exploitaient que des ressources naturellement disponibles (saumons, glands etc.). Ils les collectaient en masse à la saison propice et en constituaient des stocks importants. Il en résultait une forte progression démographique et le déroulement du schéma précédemment constaté : dérèglement comportemental et mise en place de sociétés inégalitaires et violentes.

  Les pages précédentes ont confirmé que le facteur démographique a la mainmise sur le plan comportemental et la mise en place des structures sociales qui en découlent. Au faibles effectifs du Paléolithique, ont correspondu des sociétés pacifiques et égalitaires. Au Néolithique, la poussée démographique a déterminé la création de sociétés qui ont multiplié les formes de violence y compris pour les chasseurs-cueilleurs stockeurs concernés par la hausse des densités. Les communautés primitives présentent des schémas plus variables en fonction de leur profil démographique.

  Certains anthropologues ont particulièrement insisté sur la prépondérance de ce facteur. G. Burenhult affirme que « vingt-cinq personnes semble être le nombre le plus raisonnable pour maintenir une bonne harmonie sociale ». Les préhistoriens avancent des chiffres identiques ou à peine plus élevés pour les communautés pacifiques du Paléolithique. R. Carneiro remarque que lorsqu’un groupe de Yanomamis dépasse cent personnes, les tendances agressives augmentent à tel point qu’il est obligé de se diviser en deux. Pour J. Bruyas, l’animisme qui repose sur une relation harmonieuse entre toutes les formes du vivant est « le propre de groupes peu populeux ». Y. Coppens souligne que « les contreparties qui accompagnent la progression de l’homme sont les guerres, les épidémies, les famines ». P. Clastres remarque que lorsque les effectifs des Tupi-Guarani ont largement dépassé les densités des populations voisines, les chefs et les « prophètes » ont pris un pouvoir inconnu jusque- là et imposé des inégalités. Il est persuadé que les sociétés primitives ne sauraient survivre aux fortes densités « Il est très probable en effet qu’une condition fondamentale de l’existence de la société primitive consiste dans la faiblesse relative de sa taille démographique. Les choses ne peuvent fonctionner selon le modèle primitif que si les gens sont peu nombreux ».

 

 

   Les hommes du Paléolithique ne vivaient pas dans une inaltérable sérénité. Ils avaient leurs motifs d’inquiétude mais la pleine expression de la tendance altruiste et le chamanisme qui en découlait les apaisait et les sécurisait en les insérant sous la protection de la Nature ou la Déesse-Mère qui veillait sur tous les existants. Ils avaient la certitude d’être inclus dans une vaste fraternité universelle. Ils se sentaient admis, reconnus et protégés par l’ensemble des autres formes de vie qui partageaient « la même intériorité » et parfois « la même physicalité » dirait P. Descola. En contrepartie, étant donné que les animaux, les végétaux etc. disposaient d’une âme et d’un potentiel égal au sien, l’homme devait se modérer, ne prélever que le strict minimum pour vivre et témoigner le plus profond respect pour les autres existants. Les hommes du Paléolithique étaient-ils meilleurs que nous ? Nous ne le pensons pas mais, en raison de leurs faibles effectifs et de la pleine expressivité de la tendance altruiste, ils étaient très fortement incités, de façon irrésistible, à l’union, la solidarité et la tolérance autant que nous le sommes à la division, l’égocentrisme et la recherche de la dominance.

  Le nouveau climat social déterminé par la progression démographique était aussi imprescriptible que le précédent. Les attitudes de défiance, d’oppressions et d’agressivité qui le caractérisaient semblaient tout à fait fondées. C’est encore le cas actuellement. L’impact du fonds biologique est tel que nous considérons comme allant de soi ce qui apparaît, au regard de la loi naturelle, être des atteintes scandaleuses au droit d’autrui : l’appropriation des ressources, de surcroît par une minorité, l’exploitation des semblables, la misère dans les rues etc. Les nouvelles injonctions modifièrent les comportements, firent apparaître de nouvelles structures sociales et prolongèrent leur influence sur le plan religieux. L’animisme fut progressivement remplacé par le culte de dieux plus violents et exigeants.

  En raison de la surpopulation, le quotidien des premières sociétés surnuméraires devint difficile à gérer, fait de luttes incessantes et meurtrières au sein des communautés. Etant donné qu’il est impossible de supprimer ce qui est inaliénable, on ne peut que tenter de construire autour. Notre espèce eut les capacités de réagir, d’essayer de comprendre pourquoi les hommes se ruaient les uns sur les autres au lieu de laisser se poursuivre les massacres. On attribua à l’influence permanente des démons l’origine des tensions alors que les dieux bénéfiques incitaient à la modération et à la vertu. Il fut admis par les différentes civilisations que, pour neutraliser la force destructrice du mal, il fallait respecter un ensemble de lois, un code moral voulu par les dieux. Afin de réduire la violence et de légitimer inégalités et oppressions, on établit de nouveaux interdits (ne pas tuer les membres du clan, ne pas voler etc.). Ils n’avaient pas lieu d’être dans un contexte de populations régulées car ils étaient spontanément respectés. Les situations étaient beaucoup plus décantées. Les hommes, tout comme chaque forme de vie, se contentaient de dérouler leur programmation génétique. Ils observaient sans effort les obligations et les interdits de la loi naturelle de sorte que les comportements étaient grandement stéréotypés et les esprits apaisés par le respect d’une norme universelle. La notion de mal s’est donc généralisée lorsqu’il a fallu jongler entre une tendance égoïste surdimensionnée, génératrice de violences et une tendance altruiste, réactivée de façon artificielle, pour contrôler les débordements.

  A ce stade de notre étude, on pourrait nous reprocher d’avoir une approche trop rousseauiste du passé. Les Hobbesiens dénoncent cette vision qu’ils jugent idéaliste. Pour eux, la violence est une constante des sociétés humaines. L.H. Keeley affirme même que les guerres préhistoriques étaient plus fréquentes et meurtrières que les modernes. Etant donné qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible, il est bon de préciser notre point de vue afin d’éviter tout amalgame. L’objectif de cet essai est de mettre en relief l’importance prépondérante du facteur génétique et donc d’insister sur une certaine similitude entre l’homme et les autres formes de vie. Ces propos peuvent choquer mais toutes les approches biologisantes ne méritent pas qu’on leur fasse un mauvais procès et, en dépit des apparences, c’est encore sous l’influence du facteur biologique que l’on s’indigne spontanément contre cet axe de recherche.

  Revenons un peu en arrière sur l’échelle de l’évolution et regroupons ce que nous avons dit à propos des nombreuses espèces animales qui ont un minimum de lien social. Lorsqu’elles sont en équilibre avec leur milieu, et seulement dans ce contexte, leur comportement navigue en fonction des situations, entre égoïsme et altruisme. Le pôle égoïste incite l’animal à rechercher son salut par le biais de l’individualisme absolu, du règne sans partage. La tendance altruiste, alors pleinement activée, impose de son côté et, de façon aussi imprescriptible, des obligations et des interdits. Son impact fait qu’il n’y a pas de mauvais parents. Pour les espèces concernées et autant qu’il est nécessaire, tous s’emploient à nourrir, éduquer et protéger leur progéniture. Il n’y a pas non plus d’agressions mortelles. Un mâle ne tuera jamais un rival de son clan au cours d’un combat. Après de multiples observations, je n’ai jamais vu et je ne verrai jamais ce genre de mise à mort, y compris lorsqu’il s’agit d’animaux domestiques, à condition toutefois qu’ils soient libres d’aller à leur guise, ce qui leur permet d’activer correctement leur répertoire génétique. Il y a là un verrouillage à toute épreuve. J’ai toujours été profondément surpris par l’indifférence dont font preuve les chiens à l’égard d’un rival accouplé. Je pensais que le dominant, furieux, infligerait un châtiment mortel à un subordonné pour crime de lèse-majesté ou qu’un subalterne verrait là une bonne occasion pour se débarrasser d’un alpha encombrant. Celui qui arrive ne réagit pas, un peu comme si le couple était momentanément en dehors de l’existence effective. De bons parents, pas d’agressions mortelles ! Compte tenu de ce qui se passe dans nos sociétés, voilà un constat qui laisse perplexe. Faut-il croire en la sagesse animale puisqu’ils réussissent là où nous échouons parfois ? Ce serait une grave erreur. Lorsque les animaux sont trop nombreux ou qu’ils manquent d’espace, leur comportement se dérègle fortement et les pires dérives sont alors monnaie courante. C’est dans ce contexte de crise que le potentiel humain démontre le plus clairement sa supériorité. Les animaux ne parviennent pas à survivre durablement, dans un cadre naturel, aux fléaux qui vont de pair avec la surpopulation. Les lemmings et autres rongeurs se trouvent alors engagés dans une spirale de violences, de stress, de malnutrition, de dérèglements physiologiques, d’épidémies qui se termine par la mort de la plupart d’entre eux de sorte que les effectifs sont à nouveau adaptés aux ressources du milieu. C’est un premier point qu’il fallait préciser. Confrontés à la surpopulation, les animaux font bien pire que les humains, tant en ce qui concerne la fréquence et la gravité des violences qu’ils infligent à leurs congénères que dans l’absence totale de réactivité face aux fléaux qui les accablent.

  Notre ingéniosité nous a permis de survivre depuis une bonne centaine de siècles environ avec des effectifs très largement surnuméraires. C’est une première réussite mais tout laisse à craindre qu’elle ne soit que provisoire. Trop de dépendance par rapport au biologique qui n’a jamais vraiment perdu la main. Ce sont en tout cas ces mêmes facteurs naturels qui agissent sur le plan comportemental. L.H. Keeley qui ne reconnaît aucune vertu particulière aux sociétés primitives concède cependant que « les groupes humains les plus pacifiques se rencontrent dans les régions possédant la plus faible densité démographique, isolés des autres groupes par la distance et la dureté du pays ». Nous nous rangeons à cet avis mais nous donnons aux critères de densité et d’espace un impact inaliénable. Le bon sauvage a existé. Il vivait au sein d’une bande de trente à cinquante personnes environ, enfants compris et disposait de suffisamment de ressources. Il se déplaçait sur de vastes étendues où les hommes évoluaient librement sans avoir à subir l’effet de masse de la part de leurs compagnons ou des groupes voisins. Ce profil correspond tout à fait aux chasseurs-cueilleurs du Paléolithique. Voilà pourquoi l’étude des ossements de cette période ne révèle que de rares traces de violences alors, qu’en raison de l’accroissement des densités, elles ne cesseront de se généraliser et de s’intensifier à partir du Néolithique.

  La néolithisation s’est vraisemblablement mise en place de façon progressive, en plusieurs phases. Tout d’abord, le réchauffement climatique a rendu plus fertiles certaines zones sur lesquelles se sont sédentarisés les chasseurs-cueilleurs. Chaque bande s’approprie un territoire collectif bien délimité. Cependant, encore chasseurs-cueilleurs, ces hommes se contentent de prélever des ressources auxquelles ont libre accès les membres du groupe. Le gibier est réparti de façon équitable. Il se produit néanmoins un premier accroc durable dans l’histoire de l’humanité. Les membres du clan, toujours très solidaires, ressentent la nécessité de défendre leur territoire collectif contre leurs voisins, perçus désormais comme des ennemis potentiels, susceptibles de les en chasser. Cette animosité à l’égard des étrangers a été mise en évidence dans les sociétés animales. La défense du territoire collectif est la première cause de conflit qui, tout en restant dans un cadre naturel, allait envenimer de façon régulière les relations entre bandes préhistoriques.

  Les sites occupés sont riches et les effectifs progressent d’autant plus vite qu’on commence, grâce à une amorce d’agriculture et d’élevage, à améliorer les rendements. On a vu dans les pages précédentes que cette croissance s’accompagne de tensions à l’intérieur des groupes. L’animosité se manifeste alors contre l’ensemble des semblables. Dans ce contexte devenu conflictuel, les plus forts s’accaparent le territoire collectif, interdisent aux autres le libre accès aux ressources et se mettent à les exploiter et à les opprimer. Sous l’effet du facteur démographique, l’homme délaisse les fondements de l’animisme (humilité, tolérance, respect pour les autres formes de vie etc.). Il se dissocie du reste du vivant. Les déséquilibres se sont mis en place et ne cesseront de s’accentuer. L’homme va se lancer à l’assaut de la planète et s’efforcer de dominer ses semblables. De façon paradoxale, c’est alors qu’il devient plus égocentrique et cruel que le contexte démographique le persuade, pour la première fois de son histoire, qu’il est d’une nature différente, qu’il est un être supérieur.

  Environ cent siècles plus tard, une paille à l’échelle du vivant, nous voilà déjà à la croisée des chemins. Continuer ainsi serait suicidaire et pourtant, rien ne change vraiment. Nous restons suffisants, convaincus que de l’ingéniosité et de la vertu, nous en avons à revendre. Grâce à un certain niveau d’intelligence, nous avons réussi à vivre jusque- là sans nous soucier des lois naturelles. Face aux nouvelles et gravissimes menaces, il faudra faire bien mieux. Si nos capacités intellectuelles sont réellement aussi performantes que nous le pensons, dès les premières catastrophes, nous changerons radicalement d’attitude. Contraints par l’adversité à plus de modestie, nous admettrons que c’est bien le facteur biologique qui reste maître du jeu. Il détermine notre façon d’agir et même de penser. Devenus plus humbles et lucides, nous saurons qu’il faudra réussir là où nous échouons depuis des siècles. Il s’agira de produire, de façon collective, un surcroît conséquent de moralité, d’abandonner notre stratégie impérialiste, de renoncer à l’individualisme, d’avoir pour seul objectif la survie de l’humanité. En serons-nous capables ? Dans quelle mesure sommes-nous une espèce supérieure ? Où se situent nos limites ? Là est toute la question. Cette parenthèse nous donne l’occasion de clarifier un autre point car on a souvent fait de très mauvais procès aux thèses biologisantes. Il est clair que l’échappatoire, si elle existe encore ne peut être que d’ordre moral.

  Pour en revenir à l’origine de la violence, nous empruntons à la fois aux rousseauistes et aux hobbesiens. Le bon sauvage a existé mais on ne peut nier que la guerre était déjà présente au cours de la Préhistoire. Nous restons totalement persuadés et le répétons à l’envi que le facteur démographique joue un rôle capital sur le plan comportemental. La violence résulte de la surpopulation. Il faut s’accorder sur la signification que l’on donne à ce mot. Dans un cadre naturel, la surpopulation animale est très rare car les espèces savent réguler leurs effectifs en amont. On rappelle que lorsque les densités dépassent la quantité de ressources disponibles, un mécanisme, mis en place depuis la nuit des temps, se déclenche alors. L’objectif, encodé génétiquement, est d’éliminer les excédents, de rétablir les équilibres en aval quand il y a eu dysfonctionnement en amont.

  Cette programmation ne tient pas compte des acquis comme l’agriculture ou l’élevage qui ne peuvent être génétiquement encodés. Le fait que ces nouvelles ressources, si elles étaient équitablement distribuées, éviteraient peut-être encore les famines n’entre donc pas en ligne de compte. Ce fut également le cas au Néolithique alors que les densités étaient bien plus faibles et que leur impact sur les autres formes de vie n’était pas assez significatif pour mettre en péril l’équilibre de la biosphère. Être en état de surpopulation, dépasser la quantité de ressources naturellement disponibles, y compris dans des conditions fort modérées, c’est ouvrir la boîte de Pandore et laisser s’échapper toute une série de maux qui constituent depuis des siècles la tragique constante de l’humanité. Pour y remédier, tant qu’on reste dans la suffisance et le déni, qu’on ne trouve pas indispensable de les activer à contre- courant et avec force, en les considérant comme un dernier recours, la morale et la sagesse ne sauraient être déterminantes. Le sauvage est bon lorsqu’il est nomade, qu’il ne manque ni d’espace ni de ressources. C’est en fonction de ces critères qu’il est possible d’expliquer l’absence de violences conséquentes au Paléolithique et leur généralisation et leur intensification lorsque ces conditions d’existence ont disparu. C’est pour cela également que, même si elle représente assez bien la réalité, une classification trop stricte des comportements sociaux en fonction des périodes historiques, aboutirait malgré tout à une généralisation abusive. Tant que les ressources et l’espace disponibles l’ont permis, il y a eu de bons sauvages, au cours de la Préhistoire bien sûr mais aussi plus tard, lorsque les européens ont entrepris de coloniser d’autres continents. Dans ses premières lettres, C. Colomb qu’on ne saurait soupçonner de philanthropie excessive, se dit surpris par l’amabilité, le calme et la générosité des indiens lors de son arrivée. Il y a seulement quelques décennies, P. Clastres, L. Cadogan, entre autres anthropologues, ont pu encore observer des groupes primitifs pacifiques qui « étaient une survivance de l’âge de pierre ». En se référant aux critères précédents, il est plausible de concevoir qu’au Paléolithique, une néolithisation précoce sur des sites particulièrement bien abrités ou à l’inverse des famines dues à une crise climatique prolongée aient pu générer des foyers de violence. On pense notamment aux phases de glaciation qui se produisirent en Europe. Une nouvelle extension de la calotte glaciaire a très certainement provoqué des migrations vers le Sud. La diminution des espaces a peut-être été assez importante pour créer des tensions entre des populations devenues plus denses surtout si, dans le même temps, le milieu s’était appauvri en raison du grand froid.

  Il faut garder à l’esprit la prédominance du facteur biologique. Face aux maux qui nous accablent depuis très longtemps, l’intelligence et la morale dont on fait grand cas ont montré toute l’étendue de leurs limites. Une dernière remarque avant de reprendre le cours de notre travail. Si nous partageons en partie l’avis de L.H. Keeley lorsqu’il affirme que les guerres n’ont pas épargné les sociétés préhistoriques, il semble plus difficile de qualifier la Suisse de pays pacifique sous prétexte qu’elle n’a participé à aucun conflit depuis des siècles. La guerre n’est qu’une des formes de violence que l’homme fait subir à ses semblables. En Suisse, la société n’est pas plus égalitaire qu’ailleurs. Il y a donc des hommes exploités, des actes de maltraitance etc. Il faut ajouter que ce pays se montre particulièrement accueillant envers ceux qui recherchent l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent. De ce fait, il protège plus que d’autres, les hommes qui optimisent l’exploitation, voire l’oppression, y compris quand leurs activités n’ont plus un cadre légal.

 Grâce à une intelligence supérieure, l’homme a échappé, au moins pour un temps, aux dispositifs mis en place pour limiter l’expansion de chaque forme de vie. Remarquons toutefois que rien n’est sorti du cadre naturel. Il n’y a pas eu de miracle opportun ou une modification génétique majeure qui aurait fait que chacun devienne, sans délai et de façon définitive, un modèle de vertu. L’ensemble de la restructuration idéologique et sociale, qu’elle soit due à l’accroissement des densités ou à l’initiative humaine repose seulement sur une réorganisation des forces existantes. En effet, l’apport altruiste, imposé pour neutraliser le surcroît d’agressivité, généré par des effectifs surnuméraires, n’a rien de réellement artificiel ou surnaturel. Les principes moraux fondamentaux, admis par les différentes civilisations, correspondent à des comportements inscrits dans le répertoire de chaque forme de vie. De nature souvent endogène, ils imposent une discipline sociale, des devoirs de solidarité et d’assistance. M. Ruse abonde en ce sens : « Je préférerai défendre l’idée qu’une éthique évolutionniste couvre les aires de tous les grands systèmes de pensée qui se chevauchent très largement ». Relevant du corpus du premier conditionnement, ils seraient inaliénables si les excédents démographiques ne provoquaient pas de leur côté, une poussée continue de la tendance égoïste qui, issue de la même veine, détermine, de façon tout aussi imprescriptible, un effet diamétralement opposé.

   Certes, l’homme a réussi à contourner, pour une durée très incertaine, les dispositifs qui régulaient les populations mais il subit néanmoins les désagréments du profond déséquilibre qu’il a réussi à mettre en place et qu’il s’efforce de faire perdurer, grâce à l’activation permanente et généralement contre nature de la tendance altruiste. Les conditions d’existence très artificielles de nos sociétés constituent un facteur aggravant (le bruit, une certaine promiscuité plus particulièrement stressante lorsqu’il s’agit de celle de sa hiérarchie, la nécessité de restreindre son espace et ses mouvements, l’impossibilité d’échapper à une multitude d’interactions continues, parfois non verbales, mais qui n’en sollicitent pas moins nos récepteurs etc.)

   Le milieu n’a plus, loin s’en faut, la même lisibilité. Depuis que l’homme a rompu le lien étroit qui l’unissait à la nature, nous avons perdu l’apaisement mental des chasseurs-cueilleurs. Ils vivaient persuadés d’être toujours dans le vrai et comblés par le strict nécessaire. De nos jours, chacun répond comme il peut aux injonctions qu’il reçoit, tout en restant le plus souvent dans le stress et la culpabilité, car il est impossible de satisfaire en même temps ces deux puissantes polarités qui veulent nous orienter vers des directions opposées. On s’en accommode au mieux en fonction de notre tempérament, notre éducation et des humeurs du moment. La tâche est d’autant plus ardue que la progression démographique continue renforce constamment la tendance égoïste et rend plus difficile le respect des normes morales.

   Tant qu’il vit au premier degré, l’homme subit pleinement l’influence de l’ancien ancrage. La lame de fond imprescriptible du premier conditionnement submerge nos sociétés et on ne peut qu’y retrouver, sous forme culturelle, ce qui ne saurait être effacé. Cette approche, initiée par K. Lorenz et relayée par d’autres grands noms : Laborit, Wilson, Hamilton, Dawkins etc. établit qu’une architecture commune structure communautés animales et sociétés humaines. Selon eux, et nous partageons ces convictions, de nombreux phénomènes et comportements sociaux dont nous donnons une justification culturelle ont en fait des fondements biologiques. Sur le plan comportemental, il apparaît en effet que les interactions s’organisent autour du dualisme fondamental et, au bout du compte, nous réalisons les tâches pour lesquelles nous avions été programmés. On a souligné que la tendance égoïste incite les animaux à donner dans l’individualisme absolu. La recherche de la dominance, exacerbée par la progression démographique, explique, en grande partie, les tentatives d’hégémonie, les guerres, les oppressions, les inégalités qui constituent la tragique constante des civilisations à populations non régulées. A un niveau plus restreint, elle génère des rapports de force plus ou moins visibles qui s’établissent à tous les niveaux (le monde du travail, la famille, l’école, le cercle des amis etc.)

   C’est encore sous l’influence du pôle égoïste qu’on éprouve le besoin de transmettre ses gènes, de fonder une famille et de se constituer un territoire. On tient toujours à le délimiter et à le protéger. Les haies, les portails, les alarmes jouent le même rôle que les marques olfactives et les attitudes dissuasives.

   Quant à la tendance altruiste, pour une part, elle pousse chacun à intégrer une communauté qui représente le clan ancestral où l’on se sentait admis et protégé. Ces territoires collectifs prennent des formes très variées. Il s’agit parfois de nations mais ils sont aussi de nature ethnique et regroupent implicitement plusieurs pays. A l’intérieur de ces derniers, se constituent, à l’occasion, des enclaves qui revendiquent leur particularisme : des quartiers au sein des villes etc. Il faut noter que certains groupes ne disposent pas toujours d’un espace mais ces territoires, en quelque sorte virtuels, implantés dans différents pays, sont d’autant plus soudés que les populations qui s’en réclament s’estiment exclues ou trahies par leurs coreligionnaires. Les membres éprouvent l’obligation de défendre énergiquement le territoire collectif à la moindre suspicion de menace. Les guerres, les attentats ou autres violences témoignent de la virulence et de la pérennité de ces injonctions fondamentales, sources de xénophobie voire de paranoïa qui font s’opposer régulièrement les communautés nationales, ethniques, raciales ou religieuses etc.

   Dans un registre plus optimiste, et malgré quelques accrocs dus aux effectifs excédentaires, l’homme souscrit fort heureusement à cette autre injonction essentielle qui exige que les adultes prennent soin de leurs enfants.

   Nos sociétés n’échappent pas davantage aux dérèglements comportementaux et physiologiques, observés dans les communautés animales, à effectifs excédentaires. On rappelle que la tendance égoïste se renforce alors considérablement. L’harmonie sociale est rompue, les agressions se multiplient, les conflits deviennent meurtriers et stressent les animaux désorientés. On observe des attitudes de prostration. Les organismes, mal nourris, fragilisés sont plus vulnérables et paient un lourd tribut aux épidémies de sorte que l’on retrouve des effectifs adaptés aux ressources du milieu.

   Depuis l’effacement des sociétés de chasseurs-cueilleurs, et l’affaiblissement de la tendance altruiste, l’homme souffre également d’un profond déséquilibre comportemental. Devenu agressif, il ne respecte plus ses semblables ni les autres formes de vie. Il faut insister sur le fait que les guerres, les oppressions, les inégalités n’ont épargné aucune civilisation. La mise en place de mesures préventives et punitives dans le but d’assurer, autant que possible, l’activation permanente et contre nature du pôle altruiste, ne parvient pas à freiner l’escalade de la violence. Il y a toujours une ou plusieurs guerres quelque part sans parler des affrontements, évoqués plus haut, entre communautés raciales ou religieuses. Au quotidien, on déplore des crimes. On parle de maltraitance envers les enfants, de femmes battues et tuées par leurs compagnons etc.

  L’appareil judiciaire lui-même - distributeur de verdicts si justes que les plus puissants eux-mêmes, ne songent à les contester - se révèle inefficace. Pourtant qui ne serait pas impressionné par ce déploiement majestueux qui paraît émaner d’un autre monde où l’on évolue en robes et perruques dans des sphères éthérées, où l’écho divin le dispute à la volonté du peuple. Sa légitimité ne saurait être contestée tant cet humanisme de haute voltige, strictement légiféré, semble reposer sur des bases qui confinent à l’immatérialité. Ce baragouinage, gris-gris des temps modernes, n’est pas déterminant. Pour neutraliser ce qui est inscrit dans notre programmation, on ne peut que faire appel à d’autres forces qui y sont également répertoriées, des forces noblement connotées mais de nature également biologique.

   La gestion du quotidien est donc très malaisée en raison du déséquilibre démographique mais aussi de l’activation simultanée des deux tendances aux effets contradictoires. Il en résulte une progression des dépressions, des névroses, des suicides. Sur le plan physiologique, les effectifs excédentaires ont régulièrement déclenché des vagues d’épidémies.  La Covid 19, très médiatisée parce qu’elle a touché de plein fouet le monde occidental est l’arbre qui cache la forêt. La communauté scientifique considère la menace épidémiologique comme un danger majeur pour l’humanité. Nous avons encore à lutter contre des maladies incurables et la stérilité est en augmentation etc.

   Si l’on veut poursuivre le parallélisme avec le monde animal, on rappelle brièvement que l’imprescriptibilité du fonds biologique ancre chacun dans son espace et dans sa fonction de sorte que l’animal ignore l’ascendant du biologique. Il se lance avec enthousiasme dans l’existence, persuadé qu’il maîtrise son destin.

    La vie de l’homme ne sera pas plus décantée. Il n’échappera ni à la dépendance ni aux certitudes illusoires. Il est, en effet, très difficile de s’abstraire du quotidien et de faire preuve de sens critique. Chacun est emporté dans le tourbillon de la vie et y répond, en fonction des différentes facettes de son statut. Par ailleurs, l’imprescriptibilité du premier ancrage nous persuade que, loin de subir, nous restons maîtres d’œuvre, tant sur le plan physiologique que comportemental. Elle nous assure également de la totale fiabilité des facultés dont nous disposons. Il nous semble donc évident qu’une intelligence et une moralité supérieures nous situent au-dessus du flot commun du vivant et donnent à notre destin une envergure exceptionnelle. Voilà notre lot d’illusions mais leur source les rend inaliénables. Nous les percevons comme des évidences. Elles deviennent le vrai et constituent les bases de notre existence. La raison peut constater et corriger momentanément, mais, par définition, le cadre imprescriptible ne s’efface pas et il récupère très vite le terrain, un instant perdu.

   Lorsque nous regardons un paysage, par exemple, nous ne ressentons aucun manque, aucune incomplétude. Bien sûr, à la moindre réflexion, il apparaît que notre perception est restrictive et basée sur l’utilitaire. Tant de choses nous échappent : les insectes cachés dans la végétation, les nervures des feuilles éloignées sans parler des deux infinis dont nous ne savons pas grand-chose etc. Ces considérations, pourtant incontestables, ne durent pas très longtemps. Elles ne parviennent jamais à prendre l’ascendant et à supplanter la représentation initiale. Dans le cas contraire, nos ressentis face au milieu changeraient radicalement. Notre assurance serait remplacée, de façon définitive, par une attitude beaucoup plus réservée qui se déclencherait, d’autre part, de façon aussi spontanée et collective que les certitudes actuelles. Rien de tout cela. Nous sommes constamment recadrés. Les observations objectives, les moments de lucidité restent sans effet. Au quotidien, la totale fiabilité de nos perceptions sensorielles semble aller de soi. Cette illusion est ancrée comme une évidence.

   En raison du même conditionnement, il est communément admis que la qualité de nos facultés intellectuelles nous permet d’accéder à une connaissance supérieure. Bien souvent, par le passé, l’homme a eu la certitude de détenir la Vérité, celle que l’on doit préserver, qui ne saurait être modifiée en aucune façon. Les tortures, les emprisonnements, les bûchers et autres exécutions attestent de l’aspect inébranlable des convictions tant de la part du savoir établi que des opposants. Il va de soi que ce n’était qu’illusions. La raison est loin d’être triomphante. Sans tenir compte de l’influence du fonds biologique qui constitue le cœur de notre recherche, la succession interrompue des doctrines au fil des siècles, aurait dû nous alerter et nous inciter à davantage de scepticisme. La répétition d’un schéma identique, une vérité, consacrée puis dépassée, parfois remise à l’honneur quelques siècles plus tard, mettait clairement en relief les limites d’une raison, en quête d’un savoir qui lui échappait sans cesse. Encore une fois, le profond ancrage du premier cadre étant imprescriptible, toutes les constatations qui auraient dû l’infirmer furent occultées. On considéra cette impuissance répétée comme une progression continue qui évoluait par paliers vers le savoir absolu. L’infaillibilité de notre potentiel intellectuel ne fut pas remise en cause.

   Nous vivons donc dans la suffisance et le déni et les problèmes majeurs que nous rencontrons sont sous-estimés et traités sous l’angle des particularismes. On se contente de déclarations d’intentions. On privilégie les intérêts des plus influents et on accentue les déséquilibres. Il est pourtant évident que, si nous continuons ainsi, il y aura forcément un point de non- retour. Les capacités de résistance de la planète ne sont pas infinies. Il viendra bien un moment où l’accumulation des pollutions de toutes sortes va rompre, de façon irréversible, les équilibres fondamentaux, entraîner des bouleversements de grande ampleur et, peut-être, la disparition des formes de vie actuelles. Par ailleurs, la population mondiale a progressé d’un milliard en quelques décennies. Les réserves de la terre ne sont pas illimitées. A partir de quel nombre d’habitants, les ressources de la planète, aussi diversifiées soient-elles, seront insuffisantes ? A partir de quel pourcentage de bouches affamées, une population devient-elle incontrôlable ? On note déjà d’importants mouvements migratoires de foules qui se lancent à l’assaut des frontières des pays les plus riches. On refoule, on paie la Turquie pour contenir le flot à sa façon. Qu’en sera-t-il dans quelques décennies, alors que la population mondiale aura encore augmenté et que l’on parlera de plus en plus de réfugiés climatiques ? L’accentuation des inégalités sociales constitue un facteur aggravant. On peut craindre la colère des masses, de plus en plus concernées par le seuil de pauvreté et excédées par les scandales politico-financiers, l’étalage indécent d’un luxe inouï, de salaires somptueux et de parachutes dorés concédés à ceux qui ont bien servi le capitalisme.

   Il est clair que la situation échappera un jour à tout contrôle. L’accumulation des menaces ne provoque pourtant pas une inquiétude généralisée. Dans un tel contexte, il est irrationnel de rester dans la suffisance et le laisser-aller. C’est que l’ascendant du premier conditionnement est inaliénable. Il détermine la teneur en réalité des choses qui nous entourent. Ce qui relève de ce corpus devient essentiel. Le reste est occulté ou relégué au second plan. Les dangers sont donc minimisés et nous nous reposons sur des certitudes illusoires mais très fortement enracinées, persuadés que nous aurons toujours les moyens de rétablir les situations les plus compromises.

 

   La perception de la moralité est impactée de façon similaire : des illusions très solidement implantées, ressenties comme des certitudes. Il est communément admis que l’acte moral est le propre de l’homme. Il résulte du libre-arbitre et consacre notre supériorité sur les animaux asservis par les lois naturelles et que l’on imagine, sans foi ni loi, en exécuteurs de basses œuvres.

   Nous avons déjà réfuté, en partie, cette vision simpliste. Bien sûr, l’altruisme n’est pas le propre de l’homme. Il constitue un des deux pôles fondamentaux autour desquels s’organise l’ensemble du vivant. On sait, par ailleurs, que l’humanité présente des profils très variés. Il y a des artistes dont le talent a traversé les siècles, des chercheurs qui travaillent pour améliorer notre vécu. Il faut également citer ces cœurs profondément généreux qui s’emploient à élever et aider le prochain. La plupart des hommes se contentent de s’occuper de leurs affaires sans trop apporter aux autres, sans trop leur nuire non plus. N’oublions pas enfin ceux qui vivent de façon totalement égocentrique dont on a beaucoup à craindre et peu à espérer.  

   Les leçons de l’histoire devraient, elles aussi, ébranler les certitudes premières. La permanence des guerres, des crimes, de l’exploitation de l’homme par l’homme démontre que, sur le plan collectif, nous n’avons jamais réussi à produire ce surplus de moralité, indispensable pour concrétiser nos prétentions en ce domaine. Une fois encore cependant, nous restons dans le déni. On considère ces échecs permanents comme de simples accidents de parcours, des exceptions en quelque sorte, certes constamment renouvelées au fil des siècles, mais des exceptions tout de même. La supériorité morale de l’homme ne saurait être remise en cause. La mystification, constamment imposée par ce joug invisible, prend parfois les proportions les plus inattendues. On le vérifie lors des débats télévisés où l’on traite d’une guerre en cours. Le postulat, implicitement admis au départ, est que les participants, comme l’humanité dans son ensemble, disposent de qualités intellectuelles et morales satisfaisantes. Les chroniqueurs en toute bonne foi, interviennent, en se drapant d’honorabilité et parlent doctement des origines du conflit, du rôle des grandes puissances, des initiatives diplomatiques etc. Il n’y a pas d’urgence. Tout est sous contrôle. L’homme maîtrise son destin dans un monde que nous sommes incités à percevoir de façon utopique. Certes, pas encore parfait, il s’améliore sans cesse et finira bien par basculer un jour dans l’excellence et ceci de façon définitive. Les horreurs de la guerre, pourtant bien réelles et encombrantes dans une telle optique, ne sauraient, en aucun cas, occuper l’avant-scène. Les données s’inversent. Comme de pâles chimères, les massacres s’estompent et disparaissent. La réalité devient virtuelle et l’illusion certitude. Mus par une force ancestrale qu’ils sont à cent lieues d’imaginer, les intervenants rivalisent de verve et s’appliquent, avec ordre et méthode, dans un contexte pourtant fort peu approprié, à retransmettre ce qui ne peut être effacé : la totale fiabilité de la condition humaine.

   Le biologique a une triple mainmise sur la moralité. Il y a une première détermination qui tient à la structure organique. Dans un contexte de populations régulées, elle nous a fait louvoyer entre égoïsme et altruisme. A titre de comparaison, les insectes asexués de certaines espèces sociales sont incités à privilégier bien davantage la tendance altruiste. Dans les ruches, les ouvrières se mettent en permanence au service de la collectivité et ceci, de façon spontanée : sans éducation, sans effort, sans contrainte. On peut rappeler un second aspect de cette emprise. La surpopulation déclenche une poussée de la tendance égoïste et rend plus difficile le respect des normes morales. Enfin, en raison de son imprescriptibilité, le fonds biologique ne se contente pas de s’approprier l’intégralité du champ comportemental, il   impose, envers et contre tout, l’illusion d’une conduite satisfaisante.

   Cette dernière facette qui hiérarchise pour nous les niveaux de réalité est très pernicieuse car elle présente comme extrêmement décantées des situations qui sont bien loin de l’être. Sur tous les plans, le fonds biologique transmet son puissant verrouillage à ses prolongements   culturels de sorte que nous les percevons comme très strictement incontestables. M. Ruse, entre autres, en est également persuadé : « Nous pensons que les normes de l’éthique sont objectivement vraies parce que notre biologie nous fait penser très précisément cela ». Ces valeurs sont pour nous les représentations de l’excellence. Universellement admises, bien que très diversement interprétées, elles nous donnent la certitude d’avoir une conduite irréprochable. Elles sont la voie, l’absoluité. Il y a, par conséquent, un énorme décalage entre un quotidien, structuré autour d’activités que nous partageons avec d’autres formes de vie et la vision sublimée avec laquelle nous connotons la réalisation de ces tâches, en occultant leur source prosaïque. Abusés par l’influence d’un lointain conditionnement, nous les percevons comme l’apanage de l’humanité. Elles semblent concrétiser notre supériorité sur le reste du vivant. En postuler la source biologique et les remettre en cause paraît inconcevable, inadmissible et profondément condamnable. Cette prise de position est ressentie comme une intolérable atteinte à la dignité humaine. Généralement, on fait pourtant peu de cas du respect des droits essentiels des hommes sans lesquels il est difficile de vivre dignement (avoir un travail, un logement, manger à sa faim, accéder aux soins etc.) Exploitation, maltraitance et exclusion font partie de la culture des civilisations à populations non régulées. Elles n’ont que rarement provoqué une levée de boucliers aussi spontanée et viscérale. L’histoire montre que les forts ont régulièrement disposé des faibles et que ce rapport de dominance se reproduit après chaque révolution. Si l’on s’indigne, ce n’est pas qu’on attente à une dignité humaine, trop souvent bafouée, mais que l’on commet un crime de lèse-imprescriptibilité. Bien sûr, nous sommes trop sous influence pour avoir une lecture objective de la situation et nous restons persuadés que nous touchons là le summum de l’inconcevable. Nous le percevons comme un acte d’une telle gravité qu’il se situe au-delà du champ des possibles. Constatons, encore une fois, que ce qui ne peut être effacé se traduit, en termes culturels, par ce qui ne saurait être contesté.

 

   Tant qu’il se contente d’expédier les affaires courantes, l’homme subit pleinement l’emprise du premier conditionnement. Comme les autres formes de vie, il n’est qu’un support docile et crédule. Fortement inséré dans un espace et une fonction, il ne prend pas conscience de cette servitude qu’il érige en destin exceptionnel.  Pour conclure sur ce point, on ne plonge pas forcément dans l’ignominie lorsqu’on souscrit à des impératifs fondamentaux. Il est indispensable, par exemple, de prendre soin de ses enfants. Toutefois, en raison de la surpopulation et du dérèglement comportemental qui s’ensuit, le rapport à l’enfant n’est plus toujours en adéquation. Il varie désormais considérablement en fonction des personnes. Une grande majorité de parents fait au mieux pour les lancer convenablement dans la vie alors que d’autres les ignorent ou encore les violentent. Chacun interprète à sa façon cette obligation et la personnalité des adultes fait de cette relation une présence sécurisante ou un drame personnel fortement handicapant. Sur le plan collectif également, les injonctions fondamentales et leurs substituts, en perdant leur dimension altruiste, sont très souvent à l’origine de dérives désastreuses. Le pouvoir sera légitimé, proclamé de droit divin. La défense du territoire collectif va se transformer en prétentions impérialistes. Dès le Néolithique, il n’y aura plus de paix durable et ceci d’autant moins que la religion naturelle, la Déesse-Mère, généralement bienveillante, va laisser place à une mythologie beaucoup plus tourmentée pour aboutir progressivement au monothéisme. Il sera considéré comme le dépositaire de la vérité absolue, celle qui ne saurait souffrir la moindre altération. On va donc ressentir l’obligation – nouvel impératif, régulièrement respecté au cours des siècles – d’aller massacrer les infidèles pour leur apporter la paix de l’âme et se porter au secours de la toute-puissance du dieu véritable. Des règles juridiques ont été créées – autre impératif- et notamment la notion de propriété privée. On a justifié en leur nom le droit pour les plus forts, d’étendre leurs prérogatives bien au-delà des limites fixées par la loi naturelle. Ils se sont accaparé les ressources du territoire collectif, ont affamé leurs semblables, les ont opprimés et exploités etc.

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Commentaires
B
pas d'indignation de ma part, mais une interrogation relative à cet aspect de reflet, inconscient de la part de celui qu spécule et qui redouble dans l'idéologie une simple pression démographique. Moi qui ai 93 ans, j'ai bien connu le monde d'avant la guerre à la campagne de Saint Macaire en Gironde où ma grand mère habitait dans la grande maison centrale de la place de l'Eglise. Alors la pression ne se faisait pas sentir, Et certes elle pouvait agir inconsciemment; MAIS il semble qu'une telle vision soit un peu univoque (je le répète) et rapportée des dernières époques de la croissance démographique. Bonnes vacances à la montagne.Il est diffcile, même dans la perspective d'une pensée-reflet d'ignorer complètet. ment les contenus de la pensée. Marx et Feuerbach ont toujours essayé d'établir un certain rapport cf le livre de Engel sur la famille et l'état, passionnant
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B
Première remarque à propos des présocratiques, il faut peut-être entrer dans la spécificité de ce moment, C'est celui où la pensée forge un rêve de maîtrise fondé sur la combinaison UN TOUT hen panta.conçue comme surhumaine, mais sans plus être divine. On peut dire que les différents auteurs forgent chacun à leur façon une combinaison différente pour animer l'UN tout; depuis pParménide sur Le Même, être et penser surhumain, Héraclite le Soleil étant animateur du jour nuit par ses propres variations sans parler d'Empédocle amour haine. Ce moment permet de comrendre ce qui se passe au départ de la métaphysique la séparation du divin et de l'humain à partir de Socrate. Nietzsche montre le mouvement réflexif (dire la vérité sous une image, à l'origine de la métaphysique, mais en cela il introduit un autre commencement que celui de L'UN Tout, qui est l'amour dionysiaque de l'ordre apollinien, ce n'est plus l'égal qui domine, mais l'inégal. et c'est par l'inégal qu'on débouche de nos jours sur la chair (Cf Barbara Stiegler Nietzsche et la cirtique de la chair. Je stoppe ici provisoirement ma lecture. La suite pour une autre fois.
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M
Travail original et approche intéressante: lier les deux pôles, égoïsme et altruisme avec l'effectif de la population.<br /> <br /> Le terme "facteur biologique" me parait trop restrictif, c'est plutôt "l'environnement", tout ce qui touche l'Homme. <br /> <br /> texte un peu long avec quelques redites...
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